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« La désinvolture est une bien belle chose »

  • Photo du rédacteur: ericfritschrenard
    ericfritschrenard
  • 26 oct. 2024
  • 3 min de lecture


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Ambiance musicale : "Je bois" Boris Vian et "les dingues et les paumés" Hubert-Felix Thiéfaine


 "« La désinvolture est une bien belle chose », Philippe Jaenada, 2024


Je l’ai lu pour mes 60 ans. Le fruit du hasard. Ou pas, comme on dit.

 

C’est un « chaîne et trame » entre un fil route-voyage (road-trip pour francophones provinciaux) de l’auteur, et un fil enquête sur un accident mortel de vie.

Une vie trop courte. Des vies et des révoltes hachées menues par une guerre mondiale et une après-guerre plus locale (mais certains s’en sortent lumineusement, rassurez vous).

Le côté sombre du Quartier Latin et de Saint Germain-des-Prés dont on n’aperçoit en général que les zazous joyeux (même si le noir leur va si bien).

 

Et puis, on y croise Guy Debord avec « sa société du spectacle » (on a bigrement « progressé » depuis en spectacle).

 

Et puis, c’est un guide touristique des bars (en sursis ?) blottis sur les bordures de l’hexagone.

 

Et puis Philippe Jaenada nous guide dans les failles temporelles qui mènent au réel, celles des photos de Ed van der Elsken (découvert à l’occasion). Les failles psychologiques de ces jeunes d’après-guerre aussi.

 

Et puis c’est bien de le lire lentement ce roman (avec un whisky sans doute, mais je n’ai pas essayé). Il a du être écrit pour être lu lentement (mais je n’y connais finalement pas grand chose en écriture). C’est bien et c’est émouvant (burlesque parfois).

 

Et puis.

 

Les doigts de pieds un peu froid, je me suis glissé dans le lit. La chaudière est encore en panne. Elle ne rajeunit pas, moi non plus. J’empoigne le dernier Jaenada (mots à lire avec une décontraction intellectuelle un peu lasse) : « la désinvolture est une bien belle chose ». Comme si j’y connaissais quelque chose à la désinvolture. La lâcheté ou la procrastination, oui ; mais la désinvolture pas vraiment.

 

Dans le dernier livre de Philippe Jaenada (que j’étais donc en train de lire, bien blotti dans mon lit) j’ai découvert, au détour d’un paragraphe, l’existence d’une grande rafle de juifs le 20 août 1941 dans le 11ème arrondissement de Paris (que des hommes).


Ça m’a fait tilt.


Mon père habitait au 5 rue Pétion à Paris. Dans le 11ème arrondissement.

Ma mère y est arrivé après la guerre au numéro 11. J’ai appris, il n’y a pas si longtemps qu’elle, sa sœur et ses parents avaient obtenu leur appartement parce qu’une famille juive n’était pas revenue. Leur propre maison de Saint-Ouen avait été rasée par les bombardements anglais préparant la Libération.

J’ai cherché un peu. J’ai trouvé. La famille Gletzere habitait au 11 rue Pétion. Le père a été déporté suite à la rafle du 20 août 1941. Le reste de la famille suite à celle du Vel d’Hiv.

Une fille et un fils ont survécu. Ils ont dû essayer de récupérer leur appartement, sans succès.


Leur petite sœur, Annette, avait le même âge que mon oncle, le frère aîné de mon père. 

Mes parents ne se seraient sans doute pas rencontrés si ses parents n’étaient pas morts, assassinés.

Je ne serais pas né si elle n’était pas morte, assassinée.

Je ne sais trop quoi en penser, mais ça m’a ému (euphémisme).


 

PS : je lis plus loin qu’une des héroïnes du roman de Jaenada, Eliane Papaï, a habité au 11 rue Pétion. Une voisine de mes grands parents donc. Même âge que ma tante. Elles ont du aller à l’école ensemble. Je demanderai à ma mère. Si elle se souvient.

C'est si étrange et étonnant les trajectoires de vie, les hasards, les collisions fructueuses, joyeuses, amères ou catastrophiques.

 


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